« Comme c’est difficile d’être simple. » [ Vincent Van Gogh ]
On pourrait appliquer cette réflexion à bien d’autres domaines, comme la musique, l’architecture ou la cuisine par exemple.
De nos jours, le phénomène est amplifié par l’évolution continuelle du numérique qui offre toujours plus de possibilités à explorer, et comme on dit “trop c’est comme pas assez !”
J’ai déjà évoqué pourquoi il y a quelques années j’ai quitté l’univers Canon pour la série X de Fujifilm, travailler avec les avantages du numérique avec un boîtier qui s’utilise comme un argentique.
Autrefois, un ami qui travaillait comme créatif pour une des plus grandes agences de publicité parisienne, me racontait qu’il n’en revenait pas des photos que je faisais en ne prenant que quelques clichés, versus les photographes professionnels qu’ils côtoyaient par son travail, qui pour une séance revenaient avec une centaine de rouleaux à développer, soit des milliers de clichés parmi lesquels il allait falloir un ou quelques uns seulement, et qui selon lui, nécessitaient souvent beaucoup de travail pour avoir le résultat final.
En fait, le fait d’avoir à payer ses pellicules, leur développement et les tirages papier, obligeait les amateurs comme moi à s’appliquer d’essayer d’avoir le résultat souhaité dès la première prise. Les professionnels bénéficiaient en quelques sortes, de ce que le numérique allait offrir à tous, faire des clichés sans avoir à débourser continuellement.
Malgré cette (r)évolution, je suis resté sur mes habitudes “old school”, je préfère prendre mon temps lors de la prise de vue que d’avoir une grande quantité d’images à trier par la suite.
Voici une réflexion pour ceux qui n’ont connu que le monde numérique, l’analogique : un défi créatif en photographie.
Avant tout, même s’il est toujours possible de pratiquer à l’ancienne, et que depuis quelques années il y a un léger regain d’intérêt par ce qui demeure une minorité de photographes, cela demeure un marché marginal.
Les contraintes de l’argentique
• Matériel coûteux et limité : La photographie argentique nécessite des appareils photo spécifiques, des pellicules et un accès à un laboratoire de développement. Chaque cliché représente un coût, obligeant le photographe à réfléchir avant de déclencher.
• Précision requise : Contrairement au numérique, il n’y a pas d’écran pour vérifier l’image immédiatement. L’exposition, la mise au point et le cadrage devaient être maîtrisés dès la prise de vue, sans possibilité de corrections postérieures excessives.
• Usure des négatifs : Les négatifs s’abîment avec le temps et peuvent se détériorer, ajoutant une dimension précieuse à chaque cliché et renforçant l’importance du soin apporté à leur conservation.
L’importance de la préparation
• Une approche réfléchie : Avant chaque prise, les photographes doivent anticiper la lumière, le cadrage et le sujet, évitant ainsi le déclenchement compulsif. Cette rigueur conduit à des images plus travaillées, réfléchies et impactantes.
• Un choix artistique assumé : Sans possibilité de rafale (sauf quelques exceptions) ou de retouche instantanée, chaque décision (composition, réglages d’exposition, choix du film) doit être mûrement réfléchie, favorisant des photos plus expressives et intentionnelles.
Les pièges de la photographie numérique, un flux de travail moderne mais parfois excessif.
• Trop d’options techniques : Les appareils et logiciels actuels offrent une infinité de réglages et d’effets, ce qui peut détourner l’attention de l’essentiel : la composition et l’émotion d’une image.
• L’illusion du correctif permanent : Avec la possibilité de multiplier les prises et de tout retoucher en postproduction, les photographes risquent de négliger la qualité initiale de la prise de vue, se reposant trop sur leurs logiciels de retouche.
Le risque de perte de spontanéité
• Sur-analyse des images : La capacité à zoomer à l’extrême et à peaufiner chaque détail peut conduire à une autocritique excessive, freinant la spontanéité du processus créatif.
• Procrastination et perfectionnisme : Certains photographes accumulent des centaines de clichés sans jamais les finaliser, cherchant sans cesse la retouche parfaite au lieu de capturer des moments authentiques.
Appliquer l’attitude argentique aujourd’hui
Limiter les prises
• Se fixer un nombre restreint de déclenchements : Travailler avec un quota de photos par session (comme si l’on avait une pellicule de 36 poses) force à être plus attentif au cadrage et à l’instant décisif.
• Favoriser l’instinct : Moins compter sur le post-traitement et davantage sur l’œil et l’intuition encourage des compositions plus naturelles et sincères.
Fixer des délais pour traiter ses images
• Ne pas accumuler indéfiniment : Développer une habitude de tri et d’édition rapide permet d’éviter de laisser des milliers d’images en attente sans jamais les exploiter.
• Éviter la sur-correction : Se donner une limite de temps pour la retouche empêche de tomber dans l’excès et préserve l’authenticité du cliché.
Assumer ses choix dès la prise de vue
• Photographier comme si l’on ne pouvait pas retoucher : Adopter une approche plus directe et confiante permet de capturer des images fortes sans dépendre des corrections numériques.
• Développer son style personnel : Moins de retouches signifie des images plus sincères et uniques, qui reflètent vraiment la vision du photographe.
Conclusion : retrouver l’émotion dans la photographie
• Photographier pour capturer un moment, pas juste une image parfaite : La photographie est avant tout une question d’émotion et d’instantanéité, pas seulement de netteté et de correction technique.
• S’engager à créer avec des contraintes : En imposant des limites volontaires, les photographes peuvent retrouver une approche plus instinctive et expressive, rendant leurs clichés plus authentiques et percutants.
Dans mon cas, 95% du temps, mon appareil est sur l’émulation de film noir et blanc Acros, cela même si je récupère uniquement les fichiers RAW de l’appareil pour leur appliquer mon filtre noir et blanc personnel sous Luminar Neo. Cela me permet de penser la photo comme je la souhaite au final.
Avant de finir, je tiens à préciser qu’il n’y a pas de mal à travailler la photo en post production pour l’optimiser, j’ai passé de longues heures en chambre noire, l’ancêtre manuel des logiciels d’aujourd’hui. le choix du papier, le choix des bains, les paramètres d’exposition et de trempage, éventuellement faire des ombres sur certaines zones… À la fin, adoptez un style qui vous ressemble et essayez de le respecter pour donner une cohérence à votre travail.